Cerq. et Priou, des auteurs qui tabassent

On a l'impression que les animaux de La clairière s'amuse sont aussi méchants que Léon et Lena...

DAMIEN CERQ. Mais non ! Léon et Lena ne sont pas méchants, eux. Ce sont juste des enfants attachants qui font n'importe quoi parce qu'on ne s'occupe pas d'eux. On ne voit jamais leurs parents dans les planches, ce n'est pas un hasard... Bien sûr, ils sont irresponsables et inconscients. Mais tout n'est pas de leur faute. Clémence Perrault et moi terminons le tome 4 de leurs aventures, avec l'arrivée d'un nouveau voisin qui ne va pas se laisser faire...

Clémence Perrault rend mignonnes les sottises de Léon et Lena. Toi, Thomas, comment fais-tu pour donner des sentiments négatifs à tes animaux "choupis" ?

Des sentiments tels que la cruauté, le cynisme ou la lâcheté sont complexes à dessiner, mais j'essaie de les tirer vers la simplicité. Je me base beaucoup sur les storyboards que Damien réalise pour me faire mon idée de la bonne distance. Je fais aussi très attention aux informations contenues dans les bulles, qui ne nécessiteront pas forcément d'être répétées à travers l'expression de mon personnage.

Thomas, t'arrive-t-il de changer le découpage de Damien ?

Oui, parfois je dézoome, je change de cadrage. Il faut trouver le bon équilibre entre le respect du storyboard et mes envies graphiques. Nous en parlons avec Damien, bien sûr. Une autre dimension qui est très importante pour nous, c'est le rythme de l'histoire.

DAMIEN CERQ. Mes histoires ne sont pas "sacrées", y compris au niveau du scénario. S'il faut changer des trucs, en adoucir d'autres, tout est négociable. Le premier épisode de La clairière s'amuse est celui où je suis allé le plus loin. On y voyait quand même un père sacrifier ses gosses pour survivre, lui ! Je pense qu'avec cet épisode-là la rédaction du SPIROU et moi avons posé les bases de ce qui était acceptable ou non en termes de cruauté. Ce qui est sûr, c'est que le côté mignon du dessin de Thomas est très utile grâce au décalage qu'il apporte !

Quelle est ta méthode de travail, Thomas ?

Je travaille sur tablette. Je commence par crayonner toutes mes pages d'un coup, puis je passe le plus vite possible à l'encrage afin de garder l'émulation. J'attends toutefois que Damien me fasse un retour sur mes crayonnés, bien sûr. L'encrage est vraiment mon étape préférée, celle où j'essaie de lâcher mon trait tout en faisant en sorte qu'il soit élégant et colle au mieux à l'histoire. Au départ, la tablette m'a tendu des pièges. Je voulais toujours corriger des détails... Avec l'expérience, je vois bien que ça ne sert à rien. Mon truc, maintenant, c'est de regarder mes planches lorsqu'elles sont publiées dans SPIROU. Je constate ce qui marche, ce qui ne marche pas, et je m'en sers pour les planches suivantes. Travailler sur tablette, c'est une méthode moderne. Mais, en vrai, je travaille de manière classique. Lorsque je me sens coincé sur une planche, je regarde toujours du côté de Morris, Peyo et de quelques autres grands maîtres, afin de m'aider !