L’agent 212 fête ses 50 ans de carrière

C’était il y a 50 ans : le policier le plus connu de la BD franco-belge a fait sa première mission dans le SPIROU n° 1939 du 12 juin 1975. Pour la rédaction de SPIROU, Daniel Kox a accepté de revenir sur les origines de la création de ce personnage mythique, fruit de l’imagination de Raoul Cauvin.

L’agent est un peu né grâce à Peyo, à qui j’avais proposé mes services en tant qu’assistant. Trop pris par la conception du dessin animé « La flûte à 6 schtroumpfs » pour s’occuper de moi, ce dernier avait demandé à Cauvin de me faire patienter en me confiant quelques pages de gags. Raoul, qui n’était pas encore scénariste à succès, bossait au labo photo chez Dupuis et m’avait proposé deux histoires : une avec un train, l’autre avec un policier. Devinez laquelle j’ai choisi ?

Finalement, Peyo n’est jamais parvenu à me libérer du temps. Cauvin m’a donc écrit d’autres gags de ce policier baptisé « agent 212 ». Au départ, Dupuis n’avait pas prévu d’album. Mais, lorsqu’un référendum organisé auprès des lecteurs de SPIROU a classé L’agent 212 dans le top 5 des séries préférées, ça a tout changé ! Pour l’occasion, j’ai redessiné mes premières planches, que je ne supportais plus. Aujourd’hui encore, je jette plein de pages. Et quand je revois des petits bouts déchirés le lendemain dans la poubelle, je me dis que ce n’était pas si mal, en vrai.

J’ai graphiquement créé l’agent 212 sans me prendre la tête. Le personnage n’était pas fait pour durer ! Son uniforme très années 50 est donc complètement approximatif, mélange d’éléments belges et français. Quant à sa moustache, c’est celle que la plupart des policiers portaient à l’époque. À la lecture du premier gag, je ne la sentais pas trop, cette série. Même Peyo avait trouvé la fin du premier gag pas terrible. Mais Cauvin a vite fait des merveilles !

Afin que l’agent 212 apparaisse sympathique, je lui ai donné le physique inverse de celui de Longtarin dans Gaston, ce qui induisait un certain embonpoint. Au fil des années, j’ai ajouté des kilos à l’agent. Beaucoup de kilos… Je me suis parfois inspiré d’un culbuto pour le dessiner ou même d’un corps de poulet avec des jambes si petites qu’il ne pourrait pas faire de vélo. Aujourd’hui, l’agent est devenu si volumineux que je n’ai plus de place dans mes cases pour faire des gros plans !

Dès les débuts de l’agent, j’ai beaucoup travaillé sur son expressivité. Pour moi, une planche réussie doit se lire sans qu’il y ait besoin de dialogue, rien qu’avec le visuel. Lorsque j’ai repris les scénarios de L’agent 212 il y a plus de 15 ans, j’ai renforcé cet aspect, car j’adore des auteurs très expressifs comme Reiser et Gotlib.

À l’époque où j’ai démarré L’agent 212, tous les policiers dessinés avaient un uniforme noir, que ce soit l’agent 22 dans Boule et Bill ou Longtarin dans Gaston. J’ai donc suivi le mouvement, mais en faisant le noir de l’uniforme à l’étape de l’encrage plutôt qu’à la couleur, ce qui me permet de faire des reflets. Je n’ai jamais abandonné ces derniers, qui me prennent pourtant un temps incroyable. C’est pour ça qu’en dédicace je fais l’agent en pyjama ou en slip de bain plutôt qu’en uniforme…

Pour le premier gag de L’agent, j’ai bossé au pinceau et à la plume, puis je suis passé à la plume seule et ensuite au feutre-pinceau, que je remplissais à l’encre de Chine. Lorsque le fabricant a cessé de produire le modèle, j’ai récupéré le stock de Marc Hardy avant de me trouver un nouvel outil à peu près analogue, que j’alterne avec la plume. J’utilise surtout le pinceau pour les rondeurs, comme le nez de l’agent ou les roues des voitures. La plume, moins souple, me sert plutôt pour le décor ou les textes. Je fais aussi quelques retouches au stylo Bic noir. Car, comme je dessine sur un papier lisse, l’encre part souvent lorsque je gomme mon crayonné.