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Les Marsupilamis : dans la jungle d’Ellipse
Publié le 08/10/2025

Après un reportage en lisière du danger, l’équipe du journal Spirou a enfin pu rencontrer Célestine Jacquel-Plays, réalisatrice des Marsupilamis, la toute nouvelle série animée diffusée sur Gulli et la RTBF. Bienvenue à Hope, Twister et Punch, vos nouveaux amis Marsus !
Bonjour, Célestine ! Tu nous présentes les trois héros des Marsupilamis ?
Ils sont trois jeunes Marsus avec chacun le caractère d’un animal ! Il y a d’abord Hope, la Marsupilami orange, curieuse comme un chat ; Twister, le Marsupilami jaune, avec un petit côté chien foufou mais tendre ; et enfin Punch, le Marsupilami bleu, qui ressemble à un petit singe avec son côté frondeur et bagarreur. Mais il ne faut pas oublier Jade et Mica, les jumeaux de neuf ans, qui vont veiller sur eux et partager les 52 épisodes de leurs aventures !

Quel est le lien entre tes Marsupilamis et le Marsu « historique » ?
Disons que ce sont des cousins éloignés ! Pour créer Hope, Twister et Punch, nous avons voulu respecter Franquin au maximum en nous inspirant de ce qu’il avait dit de ses créatures. Pas question donc de les faire parler, par exemple. Nous nous sommes limités au vocabulaire des Marsus tel qu’il avait été codifié par leur créateur. Comme j’ai beaucoup travaillé sur des cartoons non dialogués, des slapsticks comme Grizzy et les lemmings, je suis habituée à animer des personnages grâce à leur seule gestuelle.
Surprise : tes Marsus évoluent dans un milieu urbain plutôt que dans la jungle palombienne !
Ils vivent effectivement dans une petite ville de Palombie, mais qui n’est pas celle de Chiquito où évolue d’habitude le Marsu. Notre ville à nous n’a pas de nom même si, chez Ellipse, on la surnomme « Esperanza ». Mettre en scène une autre ville que Chiquito nous permettait d’être plus libres, de créer un environnement parfaitement adapté à notre histoire avec plein d’éléments en hauteur afin que les Marsus puissent s’y accrocher. Comme ils ont un nid sur le toit du restaurant de la grand-mère de Jade et Mica, il a fallu que l’on dessine toute la ville vue d’en haut !

Car Jade et Mica sont les seuls à connaître l’existence des Marsus !
Les Marsus, il n’y en a plus beaucoup, donc il faut les protéger… On ne sait pas ce qui se passerait si quelqu’un s’intéressait à leur fourrure ou voulait les étudier. Jade et Mica font donc en sorte que le reste de la ville ignore leur existence. Hope, Twister et Punch vivent dans la partie interdite d’un parc installé au centre de la ville. Un bout de jungle où ils peuvent être totalement libres sans qu’on les voie ! Quand ils sont en ville, les jumeaux les cachent dans le triporteur de livraison de leur grand-mère ou alors dans d’énormes sacs à dos.
Tes Marsus ont des amis mais aussi des ennemis…
Il y a d’abord un jaguar, hérité de l’univers de la bande dessinée. Mais il est un peu moins bête et beaucoup plus méchant, puisqu’il veut carrément manger les Marsupilamis ! Il y a aussi le capitaine Stan, un homme qui a vu les Marsus mais que personne ne croit. Comme il est furieux de passer pour fou, il les traque afin de prouver à la ville qu’il a raison ! D’autres antagonistes existent, mais ils sont moins dangereux. Par exemple, un cuisinier cherchant à voler les recettes de la grand-mère de Jade et Mica. Ou encore Rosa, la surveillante du parc où se cachent les Marsus, qui ne doit pas les découvrir… Toutes ces histoires ont été écrites avec Andrew Barnett-Jones (The Amazing World of Gumball…) et Ciaran Murtagh (Shaun the Sheep…), qui ont su faire entrer plein de personnages et de rebondissements dans chacun de nos épisodes !

Comment es-tu entrée dans l’aventure Marsupilamis ?
On m’avait contactée une première fois afin de réaliser la série, mais je n’étais pas disponible. Grosse déception ! On m’a heureusement rappelée ensuite, et là, j’étais libre ! J’ai rencontré la productrice le jour des 70 ans du Marsu… On peut donc dire que c’était mon destin, de travailler dans cet univers ! Je n’avais pas spécialement prévu de devenir réalisatrice en entrant dans l’animation, mais c’est venu à moi très jeune. J’ai de la chance… J’adore le Marsupilami, dont je regardais le dessin animé petite. C’était un rêve pour moi de travailler sur cet univers si joyeux et coloré. Sur une autre production, j’avais été frustrée de travailler avec des couleurs sourdes et désaturées. Alors, là, je me suis dit que j’allais mettre plein de couleurs flashy ! Nous avons essayé de faire en sorte que Les Marsupilamis soient très pop et surtout très joyeux !
Travailler sur l’héritage de Franquin, ça n’était pas trop intimidant ?
J’ai essayé de ne pas trop réfléchir au fait que je réalisais un rêve. Je pense, bien sûr, qu’il faut respecter l’héritage de Franquin mais aussi éviter de trop se restreindre. Je n’ai pas voulu revoir les précédents dessins animés du Marsu ni relire de BD, car je ne voulais pas m’entraver avec les autres histoires auxquelles j’aurais été tentée de faire des clins d’œil. En me renseignant sur les intentions de base de Franquin, j’ai voulu garder l’essence de son personnage tout en faisant mes propres ajouts. En utilisant la 3D, je savais de toute façon que le dessin de notre Marsupilamis serait très différent de celui des adaptations précédentes. Voir arriver les premiers plans d’animation a été un soulagement pour moi, car je craignais que notre style graphique, très exigeant, ne fonctionne pas !
Quelle a été la difficulté majeure de cette adaptation ?
Le nombre de personnages ! Avec Jade, Mica et les trois Marsus, nous avons cinq héros aussi importants les uns que les autres. Comme nos épisodes font 11 minutes chacun, pas facile d’y faire entrer tout le monde ! Ce nombre élevé de personnages nous a obligés à beaucoup travailler l’animatique, c’est-à-dire une sorte de maquette visuelle où l’on décide du positionnement de la caméra sur chaque plan. Pas simple, avec des personnages de toutes les tailles, dont certains, comme les Marsus, sautent dans tous les sens ! Heureusement que, chez Ellipse, il y a également beaucoup de « personnages » puisque près d’une centaine de collaborateurs sont intervenus sur la série !

Quels sont les points communs entre le travail de réalisatrice de films et celui de réalisatrice de dessins animés ?
Une partie de mon travail, c’est de la direction d’acteurs. Je mime, je fais des expressions. Je joue les personnages pour trouver pourquoi telle ou telle séquence ne fonctionne pas. Je cherche à comprendre les Marsupilamis, à trouver des poses qui leur correspondent. Mais j’essaye aussi de me mettre à la place du spectateur pour voir si on comprend toujours ce qui se passe à l’écran !
Au fait : est-ce que les Marsus existent ?
Eh… Qui sait ?
Surprise, nous avons également pu parler à Thomas Salas (le monsieur qui mime des oreilles). Bienvenue dans l’étonnant quotidien du directeur de l’animation des Marsupilamis !
Ça consiste en quoi, le travail d’un directeur de l’animation ?
Je suis le garant que Célestine Jacquel-Plays, la réalisatrice des Marsupilamis, recevra une animation à la hauteur de ce qu’elle souhaite. Je travaille avec trois équipes de huit animateurs : deux équipes à Angoulême et une à Charleroi, en Belgique, auxquelles il faut rajouter un chef-animateur pour chacune d’entre elles. Je donne des indications aux équipes pour qu’elles animent au mieux, puis je vérifie et je demande au besoin des corrections, quitte à les faire moi-même si on est trop pressés. Ensuite, c’est au tour de Célestine de vérifier que ce que l’on a produit lui convient.

Quels sont les points que tu surveilles particulièrement ?
Je suis très attentif aux directions des regards. La 3D utilisée dans Les Marsupilamis peut générer des sortes d’illusions d’optique donnant l’impression que les personnages ne regardent pas exactement où il le faudrait. Je vérifie donc que les yeux sont dans le bon angle, au pixel près ! Je surveille également le timing des séquences. Leur succession doit faire alterner calme et dynamisme.
Tu fais aussi très attention aux raccords entre les plans.
Chaque animateur travaille sur des plans isolés, que l’on met ensuite bout à bout pour construire les épisodes des Marsupilamis. Imaginez : si un animateur travaille sur un plan A et qu’un autre animateur travaille sur le plan B, qui le suit, alors il faut que les personnages soient bien dans la même position à la fin du plan A et au début du plan B ! Ça demande de nombreuses discussions entre animateurs mais aussi beaucoup de vérifications !

Quel a été le plus gros défi d’animation pour Les Marsupilamis ?
La queue, qui est presque un personnage à part entière ! On a beaucoup travaillé sur cet élément avant même de commencer l’animation à proprement parler. C’est ce qu’on appelle la phase de « Rig », où l’on construit les squelettes virtuels des personnages, comme des marionnettes, afin de voir comment on va les faire bouger. Des contrôleurs font des essais sur ces squelettes pour voir s’ils fonctionnent. Il fallait que l’on construise une queue capable de devenir un ressort, de se rouler en poing, d’être utilisée comme liane… Les concepteurs se sont un peu arraché les cheveux mais se sont surtout pris au jeu !
Faire une queue qui se roule en poing a dû être une jolie galère !
Oui ! Dans une BD, c’est simple : on a une case avec la queue normale, ensuite une autre case avec la queue en forme de poing. C’est l’imagination du lecteur qui fait le raccord. En animation, on doit montrer toutes les étapes ! Bon, j’avoue : on a un peu triché dans Les Marsupilamis avec une succession de plans très rapide. Un plan avec la queue normale, un deuxième avec une queue intermédiaire et un dernier avec la queue roulée en boule. C’est presque de la prestidigitation !

Les Marsupilamis va être distribué dans de nombreux pays avec des références culturelles parfois très différentes…
Ce qui implique d’être très vigilant, par exemple, à la position des mains des personnages… Il y a des gestes qui sont anodins pour nous, comme le pouce levé. Mais, dans certaines cultures, c’est l’équivalent d’un doigt d’honneur ! On fait donc très attention… Les poings serrés, jugés agressifs par certains, font également partie des positions que l’on évite. Heureusement, pour contourner ces marqueurs d’émotions, on peut passer par les mimiques sur le visage des personnages !
Directeur d’animation sur Les Marsupilamis, c’est un travail prenant ?
On doit produire 6 secondes d’animation par jour, ce qui constitue déjà un rythme très soutenu. Pour comparer : un long-métrage, c’est quelques secondes par semaine ! Je dois donc veiller à ne pas donner trop de retouches aux animateurs si je ne veux pas que l’on prenne du retard. Je vérifie les plans cinq ou six fois et me limite à trois demandes de retouche maximum. Si j’ai du mal à faire comprendre aux animateurs la retouche demandée, alors je la mime en visio. Il m’est par exemple arrivé de mimer des mouvements d’oreille de Marsupilami en mettant mes mains sur ma tête !

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